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Présentation des lectures
Cher André Miquel,
- Pour illustrer votre inlassable activité, depuis près de 60 ans, d’analyste et de traducteur de la littérature arabe classique, celles que j’appellerai « les dames de la BU », histoire de faire allusion aux Dames de Bagdad, l’un des premiers contes des Mille et une nuits que vous ayez traduits, ont d’abord choisi un conte extrait des Nuits, qui sera lu par le comédien Alain Simon. Ce conte, c’est l’histoire de L’homme qui fut réduit à ne plus rire. Il est lui-même un tiroir, parmi une vingtaine d’autres, du conte du Roi, de son fils et des sept vizirs. Il occupe les nuits 587 à 591 ou encore les pages 608 à 614 du second des trois tomes de la traduction des Mille et une nuits que vous avez publiée, en collaboration avec votre collègue et ami Jamel Eddine Bencheikh, en 2005 et 2006, dans la prestigieuse collection de la Pléiade. C’est la traduction la plus complète des Mille et une nuits que nous ayons, faite d’après les éditions de Bûlâq de 1835 et de Calcutta II (1839-1842), puisqu’elle comprend effectivement mille et une nuits et n’omet pas les 1200 et quelque poèmes qu’on y trouve… Et c’est, en matière de traduction, votre opus magnum.
- Il ne doit pas être l’arbre cachant la forêt et faire oublier tant d’autres de vos traductions. C’est pourquoi les Dames de la BU ont ensuite choisi un extrait, qui sera également lu par Alain Simon, du Kitâb al-i‘tibâr du prince, guerrier et lettré, Usâma ibn Munqidh (m. 584/1188), que vous avez traduit sous le titre de Des enseignements de la vie et le sous-titre Souvenirs d’un gentilhomme syrien du temps des Croisades et qui illustre un genre rare dans la littérature arabe, celui de l’autobiographie. Bien sûr, ce choix n’est pas innocent. Il vise à rappeler qu’à côté de l’analyste et du traducteur, il y aussi l’écrivain, qui, de temps à autre, prend plaisir à joindre les deux faces de son activité. Vous l’avez fait pour vos trois personnages favoris, le poète Majnûn Laylâ, auquel vous avez consacré un roman Layla, ma raison, le géographe Muqaddasî, dont vous avez proposé une adaptation sous le titre Un Palestinien sur la route et, bien sûr, Usâma Ibn Munqidh, pour lequel, après la somptueuse traduction parue à l’Imprimerie Nationale, vous avez donné un Ousâma. Un prince syrien face aux croisés, parue dans la collection Les Inconnus de l’histoire, chez Fayard, en 1986. Cette collection était dirigée par votre collègue du Collège de France, Georges Duby, qui fut aussi un des grands professeurs d’Aix.
- Puis, presque symétriquement, toujours pour illustrer votre activité biface d’arabisant et d’écrivain, les dames de la BU ont choisi deux poèmes de votre recueil Au mercure des nuits/ Fî zi’baq al-layâlî, paru chez Sindbad en 1990, qui sont des poèmes que vous avez écrits en arabe puis transposés en français. Mouna Latge lira ainsi un poème que vous avez dédié au souvenir de René Char (un homme de la Provence, soit dit entre parenthèses) tidhkâran li-l-sâ‘ir Rînî Châr et un autre sans titre wa-qublatu shu‘â‘…« Baiser de l’ombre » et je les lirai en français.
- Et enfin, pour boucler la boucle, les Dames de la BU ont choisi de revenir aux Mille et une nuits et à la traduction comparée, en proposant un extrait d’un conte, celui des Trois pommes, qui sera lu en arabe par Mouna Latge, puis successivement par moi-même dans les quatre traductions françaises disponibles : celle, pionnière, d’Antoine Galland, puis celle du bon docteur Mardrus, qui fit les délices d’André Gide, qui la préfaça, et de tant d’autres, notamment le jeune Marcel Proust, comme vous l’avez rappelé récemment dans un article paru dans les Mélanges en l’honneur d’André Raymond, puis celle de René Khawâm et, enfin, la vôtre.
Pierre Larcher