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Le rapport Miquel

Le rapport de la commission Miquel sur « Les bibliothèques universitaires », remis en 1989 alors qu'une augmentation de 50 % des budgets avait déjà été décidée, constitue une date charnière dans l'histoire des bibliothèques universitaires françaises. Constat sévère de l'insuffisance de l'offre proposée aux usagers (accueil, horaires, offre documentaire...) et de l'inquiétante faiblesse statutaire des établissements et des personnels, il a été à l'origine, dans la décennie suivante, d'un profond mouvement de modernisation des bibliothèques universitaires, notamment dans le cadre du plan Université 2000.

C’est Lionel Jospin qui a confié le soin à André Miquel, historien spécialiste de la civilisation arabe et récent administrateur de la Bibliothèque nationale, de constituer une commission composée d’universitaires et de professionnels des bibliothèques, ayant pour mission de faire un bilan de l’état des bibliothèques universitaires à l’instant où ces réformes sont impulsées, mais surtout de proposer des solutions. Sans attendre les résultats de ces travaux, L. Jospin décide l’augmentation immédiate de 50 % des budgets dévolus aux bibliothèques universitaires.

Ainsi, le rapport Miquel est dès l’origine profondément atypique, car il répond à une commande précisément définie à l’avance : le gouvernement dispose de moyens, il est prêt à faire les investissements nécessaires, mais il lui faut un état des lieux qui l’aide à cibler ses objectifs, tout en faisant connaître publiquement l’urgence et l’ambition d’une telle rénovation.

Cette politique en faveur des BU est étroitement liée au projet présidentiel de construction de la future BnF. Comme le constatera dix ans plus tard, avec justesse, le Conseil supérieur des bibliothèques, « il n’est pas indifférent que, sensiblement au même moment (1988), ait été prise la décision de rénover la Bibliothèque nationale et [ait été] publié le rapport décisif d’André Miquel sur la situation des bibliothèques universitaires françaises. Les objectifs de ces deux démarches étaient proches et complémentaires : comment doter la France d’institutions documentaires dignes de son rayonnement intellectuel et propres à fonder son activité de recherche et de formation sur un patrimoine et un potentiel documentaires mieux conservés et mieux diffusés ? »

Ce contexte particulier explique sans doute le ton volontariste du rapport : soutenue au plus haut niveau, ayant aussi la certitude que des budgets plus importants vont être attribués, la commission Miquel va dresser un constat sans concession de la situation des bibliothèques universitaires et définir une politique aussi vaste qu’ambitieuse.

Le rapport Miquel fut accueilli de manière positive par la communauté universitaire et bibliothécaire, comme un « événement à célébrer comme il se doit  ». Certains articles ont souligné la portée historique du rapport : « Ne serait-ce que par sa seule publication, le rapport Miquel fera sans doute date dans l’histoire des bibliothèques universitaires : c’est la première fois qu’on voit aussi brutalement énoncés les enjeux scientifiques et économiques liés à la mise en œuvre d’une politique nationale en leur faveur ».


Bilan

Les efforts entrepris ont été importants et l’enquête de la Commission des finances du Sénat, menée par Jean-Philippe Lachenaud en février 1998, apprécie ainsi la mise en œuvre des recommandations du rapport : « Le rapport Miquel a proposé un certain nombre d’objectifs chiffrés qui n’ont pas tous été atteints, mais qui ont indéniablement permis de sortir les bibliothèques universitaires de la “misère” qui était la leur […] Ainsi, les bibliothèques universitaires ont connu un mouvement conforme aux préconisations du rapport Miquel ». Soulignant que « l’effort budgétaire consenti en faveur des bibliothèques universitaires est tout à fait remarquable  », le sénateur modère néanmoins son analyse en constatant que « les progrès enregistrés sont à nuancer : si les bibliothèques universitaires ont engagé un important travail de modernisation, elles ne paraissent pas encore aptes à aborder le XXIe siècle dans des conditions optimales ».

En effet, la comparaison internationale, notamment en direction de l’Allemagne, qui courait comme un fil rouge tout au long du rapport Miquel reste cruelle pour les établissements français. Qu’il s’agisse d’acquisitions d’ouvrages, de collections, d’abonnements en cours, d’emplois affectés en bibliothèques, de salles équipées des nouvelles technologies, de prêt à domicile ou de prêt interbibliothèque, d’horaires d’ouverture, de budget de fonctionnement ou du nombre de places offertes, la France est à la traîne ».

Ce que nous serions tentés d’appeler les « années Miquel » a duré une décennie environ, jusqu’à l’aube de l’an 2000. Le temps de la modernisation a donc été très court, dans un contexte particulièrement tendu. Des innovations, des changements dans les équipements comme dans les usages ont bouleversé en profondeur le paysage des bibliothèques de l’enseignement supérieur. Tandis que la remise à niveau préconisée en 1989 continuait à être d’actualité, ces changements en infléchissaient sérieusement le sens, dans des directions que la commission Miquel n’aurait pu prévoir. Dans ce nouveau contexte, fortement marqué par l’émergence du numérique et de la dématérialisation, les recommandations et constats du rapport sont vite apparus si ce n’est totalement obsolètes, tout du moins datés.

Vingt ans après, même si la situation de « misère » dénoncée par le rapport Miquel n’est plus d’actualité, il demeure un document irremplaçable pour quiconque veut tenter de saisir l’évolution récente des bibliothèques universitaires françaises. Au-delà de l’indispensable prise de conscience de la situation critique que connaissaient les établissements, il a surtout permis d’amorcer, tant bien que mal, le nécessaire virage de la modernisation.

 

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