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Le don Miquel

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Quelques trésors de la bibliothèque d’André Miquel

André Miquel a consacré sa vie d’enseignant et de chercheur à analyser et à traduire la littérature arabe classique dans ses trois genres fondamentaux : poésie, récit, littérature technique.

Sa bibliothèque est le reflet de cette activité. Mais qui en parcourt les rayons avec l’œil du bibliophile a tôt fait d’y découvrir, parmi deux mille cinq cents ouvrages environ, quelques trésors.

Côté poésie, on en trouve deux : l’un orientaliste et l’autre oriental. Le premier est l’editio princeps des Mu‘allaqât, la plus célèbre anthologie de la poésie arabe préislamique. Elle fut publiée à Leipzig en 1850 par l’arabisant allemand Friedrich August Arnold (1812-1869) sous le titre de Septem Mo‘allakât Carmina antiquissima Arabum. Le second, à l’autre bout de la poésie arabe classique, est le dîwân ou recueil du poète al-Mutanabbî (m. 354/965), que les Arabes considèrent généralement comme leur plus grand poète. Le dîwân est ici accompagné d’un commentaire attribué au grammairien al-‘Ukbarî (m. 616/1219). C’est une édition imprimée à Bûlâq (Le Caire) en 1308H (= 1891). Ce n’est certes pas la plus vieille édition imprimée en Egypte (la première remonte à 1261H = 1845), mais l’exemplaire tire sa valeur, ici, du fait qu’il a appartenu au grand arabisant français Régis Blachère (1900-1973), le maître de Miquel, et qui avait jadis contesté l’attribution du commentaire à ‘Ukbarî…

Mutanabbi Ukbari (1890) (version numérisée Odyssée)

Côté récit, on trouve deux trésors aussi, tous deux orientaux, et qui ont marqué la carrière de traducteur d’André Miquel. Le premier est en effet une édition imprimée à Bûlâq en 1251H (= 1835) de Kalîla wa-Dimna d’Ibn al-Muqaffa‘ (m. 139/756) : c’est donc la seconde édition égyptienne du livre, la première datant de 1248H (= 1832-3), faite d’après l’édition d’Antoine-Isaac Silvestre de Sacy (1758-1838) à Paris (Imprimerie Royale, 1816). Cette œuvre, adaptation en arabe de la version pehlevie des célèbres fables indiennes de Bidpaï, est la première œuvre littéraire arabe en prose. Et ce fut le premier classique arabe traduit par Miquel (1957). Le second est une édition, datée de 1328H (= 1910), parue chez le célèbre libraire égyptien Mustafa al-Bâbî al-Halabî et « collationnée et corrigée d’après l’édition de Bûlâq de 1279H  (= 1862) », des Mille et une nuits : sans être rare, cette édition déjà ancienne (elle remonte à plus d’un siècle) représente bien la postérité, dans le monde arabe, de la première édition qui y fut imprimée à Bûlâq en 1251/1835. L’édition de Bûlâq, avec celle dite de Calcutta II (1839-1842), qui lui est presque identique, a servi de base à la traduction de Jamel Eddine Bencheikh et André Miquel parue dans la Pléiade en 2005-2006.

Livre des mille et une nuits (1251, réééd. 1910) (version numérisée Odyssée)

Enfin, côté littérature technique, on trouve plusieurs trésors, dont nous n’avons retenu ici que quatre, deux orientaux et deux orientalistes. Deux concernent les disciplines linguistiques, qui constituent la première strate de l’immense littérature technique arabe ; deux autres la littérature de voyage (rihla) et la géographie, à laquelle Miquel consacra sa thèse, premier tome de son opus magnum La Géographie humaine du monde musulman jusqu’au milieu du XIème siècle. Il s’agit d’abord de l’editio princeps, procurée par Hartwig Derenbourg (1844-1908) à Paris (Imprimerie Nationale, 2 volumes, 1881 et 1889) du Kitâb de Sîbawayhi (m. 179/795 ?), première œuvre grammaticale arabe et considérée, jusqu’à aujourd’hui, comme la plus importante : c’est l’édition Derenbourg qui servit de base à la première édition arabe (Bûlâq, 2 volumes, 1316H et 1317H = 1898-1900) du Kitâb. Il s’agit ensuite de l’editio princeps, procurée par Ahmad Fâris, né Fâris al-Shidyâq (1804-1887), au Caire (Bûlâq, 20 volumes, 1300-1308H = 1883-1891) du Lisân al-‘Arab d’Ibn al-Manzûr (m. 711/1311), la plus célèbre œuvre lexicographique arabe : cet exemplaire a également appartenu à Régis Blachère. Il s’agit encore de la deuxième édition orientale (Le Caire, 1322H = 1904, 2 vols. en un), la première datant de 1287/8H (= 1870), du Tuhfat al-nuzzâr fî gharâ’ib al-’amsâr wa-‘ajâ’ib al-’asfâr, dit plus simplement Rihla, d’Ibn Battûtâ (m. 703/1304). Et il s’agit enfin de l’editio secunda, procurée par l’orientaliste néerlandais Michael Jan De Goeje (1836-1909), chez Brill à Leiden en 1906 dans sa célèbre Bibilotheca Geographorum Arabicorum, du Kitâb Ahsan al-taqâsîm fî ma‘rifat al-’aqâlîm (ou « La meilleure répartition pour la connaissance des provinces », pour reprendre la traduction même de Miquel) d’al-Muqaddasî (m. après 380/990),  le géographe « préféré » d’André Miquel.

La bibliothèque d’André Miquel a ainsi – et aussi – une dimension « patrimoniale ».

Pierre Larcher

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